Cette nuit, Elie avait fait un cauchemar. Il avait cette drôle de faculté de se souvenir assez bien de ce qu'il rêvait, mais il aurait préféré ne pas se souvenir de celui-là. Pourtant, les contours du rêve se dessinaient parfaitement dans sa tête. Y repenser faisait monter en Elie une panique terrible. C'était la première fois qu'un cauchemar le secouait autant ( et pourtant, il en avait fait beaucoup, quand il dormait encore ). Le jeune homme se rappelait de la panique, de l'atmosphère oppressante du cauchemar, des cris et du désespoir qui l'avait envahi. Cette impression de suffoquer, d'impuissance complète. Cette sensation d'isolement, aussi.

Il s'était réveillé en sursaut, paniqué, comme s'il était encore dans le cauchemar. Mais il n'y avait que ses camarades qui dormaient paisiblement autour de lui. Elie se rallongea sur son lit, tout en sachant pertinemment qu'il ne pourrait jamais se rendormir après un tel choc. Il avait mal partout, comme si un rouleau-compresseur lui était passé dessus. Son coeur battait à tout rompre. Le jeune homme poussa un soupir, et ferma les yeux. Un mal de tête lancinant lui vrillait le crâne. Il n'avait qu'une envie : être au dehors, loin de la salle commune des Gryffondor et de sa chaleur. Et les envies d'Elie Clash se réalisent au même moment qu'il les formule. Il se leva donc, enfilant un simple tee-shirt et un jean, attrapant au passage son fidèle paquet de cigarettes, alternative aux petits cachets qu'il prenait.

Il lui fallait de la hauteur. Se foutant bien des grognements des tableaux et de leurs exclamations choquées, il se mit en direction de la volière. Le plus discrètement possible, bien sûr. Il n'avait pas envie de se faire prendre, et avança donc à petits pas dans les couloirs tordus de Poudlard. Malgré tout, il aimait terriblement ce château. Il avait gagné sa liberté grâce à lui, et il lui en était infiniment reconnaissant. Elie passa devant la salle commune des Serdaigle, et songea brusquement à Anna, la petite cinquième année qu'il appelait affectueusement son « diamant ». Il eut également une pensée pour Natalia. Elle n'était certainement pas dans son lit elle non plus, plutôt dans celui d'un garçon. Elie eut un léger sourire, pour lui-même, et il continua sa route vers la volière. Il l'atteignit bientôt et poussa un soupir de soulagement. Il aimait cet endroit. C'était haut, très haut. Et Elie adorait ça. Les hiboux le contemplaient de leurs grands yeux dorés, gardiens de bien des secrets de jeunes étudiants de Poudlard.

Elie se détourna d'eux, s'installant plutôt de la fenêtre et alluma une cigarette. Il aimait le bruit que faisait le briquet quand il s'ouvrait, il aimait le petit chuintement de la flamme qui allumait la cigarette et il aimait la couleur rouge de la braise. Il aimait les volutes de fumée qui se diluaient doucement dans l'obscurité. Mais il aimait encore plus tirer la première taffe. C'était un pur moment de bonheur pour lui. C'était étrange à quel point Elie aimait tout ce qui pouvait le détruire un peu plus. Une sorte de plaisir masochiste, sans doute. Il aimait également la solitude. Ca ne pouvait que lui faire du bien ; il était face à ses problèmes, sans personne pour l'en déranger. Enfin, c'est ce qu'on pouvait penser. Elie était un Gryffondor, certes. Mais avait-il le courage de faire face à tout ça ? Il ne manquait pas de courage, juste de volonté. Et la souffrance revenait alors, puisqu'elle n'avait pas été combattue. Et elle prenait le dessus, elle l'habitait, elle le dévorait de l'intérieur. Elie contempla d'un œil morne l'anneau qui brillait à son annulaire. Chienne de vie.

Mais à cet instant, Elie qui insultait la vie, ne savait pas qu'un diamant viendrait l'éclairer.